Sources
Cet article est le début d'un cycle sur les grands accords internationaux concernant les monnaies. Ce cycle est à mon sens nécessaire pour comprendre les craintes grandissantes concernant les endettements des pays occidentaux, le non succès de l'Euro, la diminution de la prédominance du Dollar et ... pouvoir se projeter.
En 1944, alors que la Seconde Guerre mondiale touchait à sa fin, 44 nations alliées se réunissaient dans une station de villégiature du New Hampshire pour jeter les bases d'un système économique international révolutionnaire. Ces accords de Bretton Woods, bien au-delà d'un simple arrangement monétaire, représentaient une réponse coordonnée aux traumatismes économiques du passé et une tentative d'anticipation des défis de l'après-guerre. Ils incarnaient la volonté collective de construire un monde où la stabilité économique primerait sur le chaos financier qui avait caractérisé l'entre-deux-guerres.
1 : Le contexte historique et les forces en présence
L'effondrement de l'étalon-or durant la Première Guerre mondiale avait plongé le système monétaire international dans une instabilité chronique. Les années 1920 et 1930 furent marquées par une série de crises monétaires culminant avec le krach de Wall Street de 1929, événement que les participants à Bretton Woods voulaient absolument éviter de reproduire. Cette période d'instabilité avait démontré l'urgence de créer un cadre institutionnel capable de prévenir les guerres monétaires et les dévaluations compétitives. John Maynard Keynes, chef de la délégation britannique, résuma cet impératif : « Nous avons appris à travailler ensemble. Si nous pouvons continuer ainsi, ce cauchemar [...] sera terminé. La fraternité humaine deviendra plus qu’une phrase » (John Maynard Keynes, Économiste en chef du Trésor britannique, Royaume-Uni)
Au sortir de la guerre, les États-Unis émergent comme la puissance économique dominante incontestée. Ils produisent la moitié du charbon mondial, les deux tiers du pétrole et plus de la moitié de l'électricité. Plus impressionnant encore, ils détiennent 80% du stock d'or international, leur conférant une position de force sans précédent dans les négociations. Cette hégémonie économique leur permet de proposer le dollar comme nouveau pilier du système monétaire mondial.
Face à cette puissance américaine, deux visions s'affrontent lors de la conférence. John Maynard Keynes, dirigeant la délégation britannique, défend un système fondé sur une unité de réserve supranationale, le "bancor", qui aurait évité la domination d'une monnaie nationale1. À l'inverse, Harry Dexter White, représentant américain, prône un système centré sur le dollar américain et la création d'institutions financières internationales sous influence américaine.
"Au sortir de la guerre, les États-Unis disposent de la plus grande partie des capitaux mondiaux et dominent laproduction manufacturière et les exportations1.
« Nous mettons deux fois plus d’argent que quiconque [...] Le siège du Fonds doit être aux États-Unis. Nous pouvons le voter où nous voulons » (Harry Dexter White, Secrétaire adjoint au Trésor américain, États-Unis)
Cette configuration géopolitique explique en grande partie pourquoi la vision américaine l'emportera finalement sur les propositions britanniques, plus équilibrées mais économiquement moins réalistes compte tenu du rapport de forces de l'époque.
2 : Les problèmes à résoudre et les solutions envisagées
Les architectes de Bretton Woods identifient trois problèmes majeurs à résoudre. Premièrement, l'instabilité monétaire chronique qui avait caractérisé l'entre-deux-guerres et entravé le commerce international. Deuxièmement, l'absence d'institutions capables de fournir des liquidités en cas de crise de balance des paiements. Troisièmement, le besoin massif de capitaux pour la reconstruction des pays dévastés par la guerre.
Concernant la stabilité monétaire, plusieurs options s'offrent aux négociateurs. Le retour pur et simple à l'étalon-or apparaît irréaliste étant donné la concentration de l'or aux États-Unis. Le maintien de changes flottants, expérimenté dans les années 1930, avait prouvé son caractère déstabilisant pour le commerce international. L'innovation réside dans la création d'un système hybride : l'étalon de change-or, où seul le dollar reste convertible en or à taux fixe (35 dollars l'once), tandis que les autres monnaies maintiennent des parités fixes avec le dollar5.
Pour résoudre le problème des liquidités internationales, les négociateurs envisagent la création d'un fonds monétaire international. Cette institution pourrait prêter aux pays en difficulté temporaire de balance des paiements, évitant ainsi les dévaluations en chaîne. L'alternative aurait été de laisser chaque pays gérer seul ses difficultés, avec les risques de contagion que cela implique.
Les négociateurs identifièrent trois urgences :
Stabiliser les changes : L’étalon-or des années 1920 avait engendré des politiques déflationnistes désastreuses (chômage à 25 % aux États-Unis en 1933).
Financer la reconstruction : L’Europe nécessitait 320 milliards de dollars (valeur 2024) pour relancer son économie.
Éviter les crises de balance des paiements : Les déficits commerciaux chroniques menaçaient la stabilité politique.
Quant au financement de la reconstruction, l'idée d'une banque internationale de développement s'impose face à l'insuffisance prévisible des capitaux privés pour cette tâche colossale. Cette approche multilatérale contraste avec l'alternative de programmes d'aide bilatéraux, jugés trop politisés et insuffisants.
3 : La solution retenue et sa logique
La solution adoptée à Bretton Woods reflète un compromis pragmatique entre idéalisme institutionnel et réalisme géopolitique. Le système retenu s'articule autour de trois piliers : un régime de changes fixes mais ajustables, la création du Fonds Monétaire International (FMI) et l'établissement de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD).
Le choix de l'étalon de change-or avec le dollar comme monnaie de référence s'explique par la réalité économique de 1944. Comme l'illustre parfaitement l'analogie du phare dans la tempête, les États-Unis représentaient le seul point fixe dans un océan d'incertitudes économiques. Leur économie intacte et leurs réserves d'or considérables en faisaient le candidat naturel pour ancrer le nouveau système.
La création du FMI répond à la nécessité d'avoir un "pompier monétaire" capable d'intervenir rapidement en cas d'incendie financier. Avec un capital initial alimenté par les contributions des pays membres, cette institution peut fournir des liquidités temporaires et éviter la propagation des crises. Son pendant, la BIRD, joue le rôle de "banquier de la reconstruction", finançant les projets d'infrastructures nécessaires au relèvement économique.
Cette architecture institutionnelle présente l'avantage de la prévisibilité : les taux de change fixes facilitent le commerce international et la planification économique, tandis que les mécanismes d'ajustement permettent de corriger les déséquilibres persistants. Le système anticipe ainsi les deux écueils majeurs de l'entre-deux-guerres : l'instabilité monétaire et l'insuffisance de la coopération internationale.
"Ces Accords vont donner naissance à la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), future Banque Mondiale, ainsi qu'au Fonds MonétaireInternational (FMI)2.
La logique sous-jacente repose sur la conviction que la stabilité monétaire constitue un bien public international nécessitant une gouvernance collective, même si cette gouvernance reste dominée par la puissance économique dominante de l'époque
Le système reposa ainsi sur trois piliers :
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Parités fixes ajustables : Marge de fluctuation de ±1 % autour du dollar, convertible en or à 35$/once.
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FMI : Doté initialement de 8,8 milliards de dollars, il devait fournir des liquidités aux pays en crise.
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BIRD : Prévue pour financer la reconstruction via des prêts à long terme (taux fixe à 3-4 %).
Conclusion
Les accords de Bretton Woods représentent une rupture historique dans la gouvernance économique mondiale. Nés de la volonté d'éviter la répétition des erreurs de l'entre-deux-guerres, ils établissent pour la première fois un système monétaire international institutionnalisé et des mécanismes de coopération économique permanents. Leur génie réside dans l'alliance entre pragmatisme géopolitique et vision institutionnelle, créant un cadre suffisamment flexible pour s'adapter aux réalités du moment tout en posant les jalons d'une gouvernance économique mondiale.
Toutefois, cette architecture soulève une question fondamentale qui résonnera tout au long de l'histoire économique contemporaine : dans quelle mesure un système monétaire international peut-il concilier la souveraineté des États avec les exigences de la stabilité globale ? Cette tension, au cœur même des accords de Bretton Woods, continuera d'alimenter les débats sur la réforme de l'architecture financière internationale jusqu'à nos jours.
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